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La Rencontre de Saydet el-Jabal - 23 Oct. 2011

C’est en présence de près de 500 personnalités politiques et de la société civile que la huitième Rencontre de Notre-Dame de la Montagne (Saydet el-Jabal) s’est tenue hier à Adma sous le thème – d’une brûlante actualité – du « rôle des chrétiens dans le printemps arabe ». Les sept orateurs qui se sont succédé à la tribune, ainsi que le débat qui a suivi ont mis l’accent sur l’importance pour les chrétiens d’Orient de soutenir le printemps arabe et de jouer un rôle actif sur ce plan, d’autant que les revendications soulevées par les soulèvements populaires dans certains pays arabes rejoignent dans leur essence les valeurs chrétiennes fondées sur le respect des libertés et de la dignité humaine.
Le document, dont l’ancien député Samir Frangié a donné lecture au terme des sept allocutions, souligne que les participants à cette rencontre refusent que les chrétiens soient placés en confrontation avec le printemps arabe, de même qu’ils refusent que le sort des chrétiens d’Orient soit lié à celui de régimes répressifs et oppresseurs (voir par ailleurs les grandes lignes du projet de document). La teneur du document en question a fait l’objet d’un vaste débat, et à la lumière des propositions et observations formulées par les personnalités présentes, le texte sera amendé et rendu public dans sa mouture finale au cours d’une conférence de presse qui aura lieu le 27 octobre.
Plusieurs recommandations ont, d’autre part, été présentées, dont notamment l’organisation de débats dans les régions au sujet de la teneur du document et du rôle des chrétiens dans le printemps arabe, l’établissement de contacts à cet égard avec la diaspora, l’organisation d’une rencontre nationale portant sur le rôle du Liban dans le printemps arabe, l’établissement de contacts avec les forces démocratiques arabes afin de jeter les bases d’un nouvel ordre arabe démocratique et pluraliste, et la mise en place d’un centre de documentation sur le printemps arabe. Ces recommandations seront élaborées dans leur mouture finale et annoncées au cours de la conférence de presse du 27 octobre.

Farès Souhaid
Pour en revenir aux allocutions, se sont succédé à la tribune les anciens députés Farès Souhaid et Salah Honein, ainsi que MM. Sami Nader, Antoine Courban, Élias Moukheiber, notre collègue Michel Hajji Georgiou et Ziyad Sayegh.
Prenant en premier la parole, M. Souhaid a souligné que cette huitième Rencontre de Saydet el-Jabal est motivée par « le tournant historique » que constituent les événements qui se produisent dans le monde arabe. « Il s’agit là d’un processus d’une très grande portée dont l’impact sur notre région ne sera pas moins important que l’impact qu’a eu la Révolution française sur l’Europe en 1789. » « Ce qui se passe confirme nos options historiques (...) et ne devrait nullement susciter l’inquiétude ou des appréhensions, a déclaré M. Souhaid. Notre garantie, nous, Libanais, réside dans notre unité et notre solidarité, chrétiens et musulmans. C’est cette solidarité qui a donné le coup d’envoi du printemps arabe avec l’intifada de l’indépendance en 2005. »

Salah Honein et Sami Nader
L’ancien député Salah Honein a souligné pour sa part que la destinée du Liban est de « défendre les libertés ». « Il n’est pas surprenant que le peuple libanais ait été le premier à se soulever pacifiquement pour combattre l’oppression face à l’armée syrienne, pavant ainsi la voie au printemps arabe, a déclaré M. Honein. La destinée du Liban est de défendre la démocratie, de protéger les valeurs, de respecter les lois et la Constitution. Sa destinée est d’être le porte-étendard du droit des peuples à décider de leur sort de manière pacifique, loin de la démagogie et du langage des armes. »
Et Salah Honein de poursuivre : « Nous avons la conviction que le temps est venu d’initier une nouvelle renaissance (Nahda) en terre libanaise (...) et d’œuvrer à assurer la pérennité des valeurs au Liban. Nous avons la conviction que le temps est venu pour le Liban d’assumer son rôle et de transmettre son message dans le monde arabe. »
M. Sami Nader a rappelé de son côté que le pape Jean-Paul II soulignait que « la dignité de l’homme est la valeur première, voire la pierre angulaire de la doctrine chrétienne ». « Respecter la dignité humaine implique de faire face à tout ce qui limite cette dignité ou constitue une agression contre elle » (...), a déclaré M. Nader.
Après avoir souligné que le pape Benoît XVI a appelé les autorités syriennes à « respecter la dignité de l’individu et à être à l’écoute des revendications du peuple syrien », Sami Nader a relevé que « la défense de la dignité humaine est au cœur de notre message chrétien ». « Nous ne pouvons qu’être à l’avant-garde de l’édification d’un système politique fondé sur le respect de la dignité humaine », a déclaré M. Nader, soulignant dans ce cadre que les régimes fondamentalistes théocratiques représentent autant que les régimes répressifs une atteinte à la dignité humaine.

Antoine Courban et Élias Moukheiber
M. Antoine Courban a souligné que « la vision chrétienne de l’univers rejette le sectarisme et se base sur des constantes qui se résument en certaines valeurs » représentées par « la dignité, le droit, la liberté, la justice et la paix » (...). « Nous assistons aujourd’hui à l’émergence d’un nouvel ordre dans le monde arabe », a déclaré M. Courban qui a relevé dans ce cadre que le chrétien ne peut « réclamer des garanties préalables pour participer à ce printemps ».
« Le printemps arabe constitue une intifada contre des régimes sectaires qui ont paralysé la vie publique et porté atteinte à la citoyenneté et à la personne humaine, a ajouté Antoine Courban. Lorsqu’on voit le citoyen tombé en martyr pour défendre sa dignité, sa liberté et sa citoyenneté, comment peut-on avoir peur et comment peut-on chercher la protection du plus fort ? Occulter la victime innocente et soutenir le dictateur revient à crucifier le Christ une nouvelle fois », a déclaré Antoine Courban.
Quant à M. Élias Moukheiber, il a déclaré : « Nous œuvrons à consolider la culture de la paix au Liban (...). Nous rejetons toute protection, qu’elle soit de l’intérieur ou de l’extérieur. Nous sommes attachés à notre appartenance à l’État civil qui, seul, assure une garantie, alors que les mini-États entraînent inéluctablement des malheurs et conduisent aux projets suspects d’effritement. »
Et M. Moukheiber d’ajouter : « L’État civil est fondé sur le monopole de l’usage des armes et sur le monopole de la légalité. Il rejette l’arrogance et le comportement unilatéral, quel que soit le prétexte. » En conclusion, Élias Moukheiber a souligné que « nous voulons un État qui respecte les martyrs, tous les martyrs, sans exception, afin que la libération et l’affranchissement se retrouvent ».

Michel Hajji Georgiou et Ziyad Sayegh
Notre collègue Michel Hajji Georgiou a d’abord souligné que les valeurs qui constituent les fondements de la pensée chrétienne sont « la liberté, la dignité, la justice et le respect de la finalité de l’individu en tant que valeur intrinsèque ». « La plus importante de ces valeurs, et qui est à la base de la pensée chrétienne, est le refus de la violence et la consolidation de la culture de paix (...), a déclaré M. Hajji Georgiou. Face aux peuples arabes qui luttent pour leur liberté et leur dignité contre l’oppression (...), nous ne pouvons, en tant que chrétiens, qu’appuyer ces mouvements de libération car ils expriment l’aspiration de ces peuples à la paix et à la réconciliation avec eux-mêmes, après des décennies d’injustice et de servitude. »
« Mais le plus important (dans la lutte de ces peuples) est leur détermination à mener une lutte non violente, a ajouté Michel Hajji Georgiou. Je voudrais évoquer plus particulièrement la révolution syrienne. Plus elle s’attache à sa dynamique pacifique, plus le régime d’Assad fait preuve de barbarisme et de cruauté à son égard. Dans son essence et sa finalité, cette révolution (syrienne) est chrétienne car, comme le Christ qui s’est sacrifié sur la croix, elle dévoile le degré de barbarisme de ce régime assoiffé de sang. Les images des agressions du régime (baassiste) contre les hommes, les femmes et les enfants dont les corps sont mutilés ressemblent à des bacchanales, ces rites barbares organisés en l’honneur du dieu Bacchus. » En conclusion, Michel Hajji Georgiou a rendu un vibrant hommage aux révolutionnaires syriens qui tombent quotidiennement en martyrs pour défendre des « valeurs humaines universelles qui sont aussi des valeurs chrétiennes ».
Enfin, M. Ziyad Sayegh a évoqué le dossier des rapports libano-palestiniens, soulignant dans ce cadre qu’à l’ombre du « printemps révolutionnaire arabe, les peuples arabes se sont soulevés et les régimes totalitaires s’écroulent » les uns après les autres. « Le temps est venu de libérer la cause palestinienne de ceux qui tentent de l’exploiter », a déclaré M. Sayegh.